La dynamique de l'engagement

Professeur de sports, un allant joyeux et chaleureux, Patrice doit reconnaître un jour que son refus de grandir, sa difficulté à faire face aux réalités, engendrent chez lui un profond mal-être. Plongée et remontée d’un quadra bien décidé aujourd’hui à concilier son âme d’enfant avec ses engagements d’homme.

Le goût du sport, il m’est venu très tôt. Petit, j’adorais jouer au foot avec mes copains de la résidence à Colombes. J’étais le boute-en-train de la bande. Un petit garçon très remuant. Assez casse-cou même… D’ailleurs, je me cassais toujours quelque chose.

A 12 ans, mon rêve était clair : je serai « prof » de sports. Malheureusement, en secondaire, les études ont commencé à battre de l’aile. Et sans le niveau bac, impossible d’enseigner le sport comme je le souhaitais. La déception a été rude. Mes parents, qui eux-mêmes n’avaient pas fait d’études, ne m’ont pas accompagné sur ce terrain et je me sentais un peu sans repères. Alors, j’ai compensé en me jetant à fond dans l’athlétisme de haut niveau et, parallèlement, en m’occupant d’enfants en difficulté. La compassion est un sentiment assez naturel chez moi. Il s’agissait, entre autres, d’enfants de la DASS, d’adolescents délinquants que je voyais en prison, pour les aider dans leur réinsertion. Le sport est une pédagogie extraordinaire pour les jeunes.

Mais à l’âge de 20 ans, à la mort de mon père, qui suit de près une douloureuse séparation de mes parents, tout s’écroule autour de moi. C’est trop lourd à porter. Je réagis cette fois en plaquant tout et en partant faire « les saisons ». L’hiver à la montagne comme pisteur, l’été « prof » de sports dans des centres de vacances. La vie nomade. Facile en somme. Hors des réalités, le grand air, et pas d’engagement.

La rencontre avec moi-même

Puis, de retour un été, quelqu’un me parle d’une femme : Yvonne Trubert, de son enseignement et de l’association Invitation à la Vie. Ca a eu un écho immédiat. Comme si je savais depuis toujours que c’était ce que je voulais vivre. J’étais à Nice à ce moment-là. J’ai tout de suite intégré un groupe de prières, puis très vite rencontré des tas de gens, fait des pèlerinages, commencé à m’investir dans l’association… Ce qui m’animait surtout, c’était la rencontre avec les autres. Et à travers eux, la rencontre avec moi-même. J’avais un besoin énorme d’être dans ce don, dans cette joie, dans ce partage. Cela correspondait aussi à une quête de vérité. Mais je sentais bien qu’en me donnant ainsi à fond à l’intérieur d’Invitation à la Vie, je ne réglais qu’une partie de mon problème. Il y avait toujours une fuite quelque part chez moi. Ce que m’apportait l’enseignement, j’étais incapable de l’appliquer dans la réalité du quotidien. Et je ne m’engageais pas non plus dans ma vie d’homme.

La prise de conscience

C’est au cours d’un pèlerinage en Israël que les choses ont vraiment bougé. C’est là que j’ai vraiment commencé à ressentir très fort toute la dimension et la paix que m’apportait la prière. Difficile de dire cela avec des mots… Cette sensation d’être relié à Dieu, d’être enfant Dieu, c’était d’une puissance impressionnante. Mais à peine je découvrais cette profondeur en moi que j’ai dû aussi ouvrir les yeux. Dans cet état de clarté intérieure, je ne pouvais plus me mentir. A cette époque, j’étais en train de me séparer de ma compagne tout juste enceinte et je savais que nous n’allions pas garder l’enfant. La réalité de cette situation, qu’à ma manière j’avais fuie là encore, m’est devenue insoutenable. Ce fut le début de très dures prises de conscience et d’une grande souffrance. J’étais démoli. Non seulement moi qui adore les enfants, je refusais celui qui était le mien, mais je comprenais que j’avais jusque là toujours avancé écartelé… Sous le personnage enthousiaste, toujours prêt à entraîner les autres dans sa roue, j’avais aussi ma part d’ombre et de culpabilités. J’étais capable de faire souffrir des êtres que j’aimais par mon refus à m’engager et à devenir adulte.

L’engagement

Alors, lentement, très lentement, j’ai dû commencer à me reconstruire. Je me suis dit : il est temps. Ce chemin que je fais, cette énergie que j’y puise, c’est aussi pour m’aider à affronter les combats de la vie. Et à ce stade, la foi a été mon alliée. Je me suis battu avec la certitude d’être exaucé. J’ai d’abord arrêté « les saisons ». Puis je me suis posé à Paris. Je me suis remis au sport et aux études, j’ai passé des diplômes pour obtenir un vrai statut de prof. Tout ça ne s’est pas fait en un jour. Ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Ni encore aujourd’hui. Mais au fur et à mesure de mes engagements, je retrouve la confiance, l’optimisme et les rires de l’enfant que j’ai été.

J’ai rencontré aussi une femme avec laquelle je me suis marié. J’espère beaucoup à présent être père. En attendant, mon travail d’enseignant a pris un sens nouveau. Ce que je faisais avant uniquement dans la spontanéité, je le fais aujourd’hui avec toute la conscience de ce que j’ai reçu à Invitation à la Vie. Et quand je vois de jeunes loubards qui ne parlaient que de « haine » me fixer bizarrement, puis imperceptiblement changer de regard, passer de la méfiance dure à une expression d’assentiment presque étonné, ému, comme une reconnaissance complice entre nous, tout simplement parce que je leur ai fait comprendre qu’au fond, ils ne rêvent que d’une chose, c’est d’aimer, et de se laisser aimer… je sais que ce sont des moments de vérité profonde, que tout est juste, et que je suis dans les bons rails.

« Ce chemin que je fais, cette énergie que j’y puise, c’est aussi pour m’aider à affronter les combats de la vie. »